Trop noire pour être française ? – Isabelle Boni-Claverie

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J’ai grandi dans un quartier juif (je crois que notre petite famille était quasi la seule non juive de la rue). Nous avons déménagé dans un quartier résidentiel (ma famille était la seule où la mère travaillait). Puis dans un petit village de campagne alsacienne.

Mon premier contact avec les noirs fut le curé qui me fit passer ma communion. À l’époque, je ne concevais pas la petite révolution que cela pouvait engendrer dans les esprits, dans un village si blanc que la seule famille turque en est partie, et que les élections nationales roulaient pour le FN.

La première fois que j’ai été confrontée à la négritude, ce fut par un couac de l’Éducation Nationale couac corrigé depuis) : pour la première année de réforme du Bac Littéraire, nous étudiions Aimé Césaire. En Terminale. Sans avoir aucune connaissance de ce qu’avait été la colonisation et la décolonisation, sauf quelques dates apprises à la va vite parce que l’étude de la Seconde Guerre Mondiale avait déjà pris tout le temps de l’année scolaire.

À Noël, on mangeait des Têtes de Nègre, et je ne m’étais jamais interrogée sur cette dénomination.

Quand j’étais petite, Banania existait encore, et aujourd’hui les boîtes vintage se vendent cher dans les magasins de design/déco pour tous.

On riait aux sketchs de Michel Leeb.

J’ai eu une éducation de gauche, anti raciste, nous zappions dès que Jean-Marie apparaissait à la télé. Je n’ai jamais eu de haine pour quiconque, sauf les cons.

Mais j’ai été et suis encore raciste.

Je l’ai su avant de regarder ce documentaire, mais connaître l’histoire d’une personne qui a peu ou prou le même âge que moi, et qui vit de l’autre côté de la couleur, remet savamment, et sans haine, les choses à leur place.

Il peut paraître un peu égocentrique de parler de moi pour analyser un documentaire qui parle de l’Autre, du voisin français qui n’a pas la même couleur de peau que moi. Mais « Trop noire pour être française ? » permet, selon moi, de continuer à déconstruire ce moule ignorant dans lequel j’ai été élevée.

« Quand j’étais jeune, on ne disait pas que les Têtes de Nègre étaient racistes. »

« Oui, mis ce n’est pas à nous de décider qu’elles le sont, c’est aux personnes concernées, le noirs, de le dire, et à nous de les écouter. »

Conversation vécue.

De les écouter notamment en regardant ce documentaire très instructif et dont on ne sort pas forcément honteux, mais avec un peu plus d’outils pour s’éduquer, et porter un autre regard, ni compatissant, ni paternaliste, sur son voisin.

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Documentaire toujours visible sur Arte+7
http://www.arte.tv/guide/fr/050748-000/trop-noire-pour-etre-francaise

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Petit Manuel du parfait réfugier politique – Mana Neyestani

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Titre : Petit Manuel du parfait réfugier politique.
Auteur : Mana Neyestani.
Année : 2015.
Editeur : Çà et là ; ArteEditions.
Genre : Récit autobiographique.

Nombre de pages : 130.

Public : Adolescent/Adulte.

Quatrième de couverture :

Après Une métamorphose iranienne, dans le quel Mana Neyestani racon-tait son exil d’Iran, ce Petit manuel se situe à Paris, où l’auteur a entrepris en 2012 des démarches pour devenir réfugié politique. Après l’infernal système répressif iranien, Mana Neyestani s’est alors trouvé confronté à un nouvel univers, certes beaucoup moins violent, mais tout aussi kafkaïen : celui de l’administration française. Un ouvrage entre bande dessinée autobiographique, autofiction, reportage et dessin de presse…

Mon Avis :

Mana Neyestani, réfugié iranien en France, a été l’invité de l’assemblée générale d’Amnesty International France et c’est comme ça que j’ai pu le rencontrer et écouter son récit.
C’est à cette occasion également que j’ai pu lire son Petit Manuel du parfait réfugié politique. Cet ouvrage, bande dessinée témoignage affreusement drôle et ironique, est une façon très efficace d’expliquer ce qu’est être réfugié en France (et sans doute aussi pourquoi tant de migrants préfèrent continuer jusqu’en Angleterre…)
Le système kafkaïen de l’administration française, nous, simples citoyens français, le connaissons, rien qu’en changeant de statut à la Sécu, à la CAF, ou en demandant un papier officiel. Les difficultés s’accumulent quand vous faites parties de minorités (comme les personnes trans* par exemple)
Le parcours administratif du réfugié est à cette image. Il n’y a pas de parcours simplifié pour devenir (ou non) réfugié et, pire, ce système encourage plus ou moins les réfugiés à ne pas travailler, entre autre. Pourtant jamais Mana (et son petit personnage) ne se départit de son envie de devenir un citoyen réfugié en France.
Cet ouvrage m’a particulièrement marquée aussi parce que Mana est un auteur/journaliste/illustrateur. Et que donc il travaille. Avec ces institutions bien connues des artistes que sont la Maison des Artistes et l’Agessa. Amis auteurs et artistes qui me lisez, vous qui connaissez les bizarreries administratives de ces deux augustes maisons, imaginez les additionner à un statut de réfugié politique.
Amis réfugiés, ou amis qui connaissez des réfugiés, qui travaillez à aider les réfugiés, ou qu’ils soient en France, lisez ce livre.
Il est drôle, il est cruel et, surtout, il est une explication clair, synthétique et presque parfaite de ce que doit et ne doit pas faire un migrant lorsqu’il arrive en France.

Indispensable.

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Amazigh – Itinéraire d’hommes libres – Mohamed Arejdal et Cédric Liano

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Titre : Amazigh – Itinéraire d’hommes libres.
Auteur : Mohamed Arejdal et Cédric Liano.
Année : 2014.
Editeur : Steinkis.
Genre : Récit autobiographique.

Nombre de pages : 160

Public : Adolescent/Adulte.

Quatrième de couverture :

Amazigh raconte l’histoire vraie de Mohamed Arejdal.

Mohamed, jeune Marocain, entreprend clandestinement, comme tant d’autres, le voyage vers l’Europe. Cette traversée, si elle échoue, n’en est pas pour autant un drame, et ce qui lui apparaît d’abord comme un cauchemar – traversée périlleuse, arrestation, évasion, prison, expulsion et retour au Maroc – pourrait même le conduire vers un rêve…

Car ce n’est pas un retour à la case départ. Cette expérience provoque une prise de conscience, et Mohamed va reprendre ses études, intégrer une école d’art et peu à peu émergera l’artiste aujourd’hui reconnu internationalement.

Prix Première bulle 2014 du festival BD d’Angers

Prix du Jury oecuménique Angoulême 2015

Avis :

La couverture a attiré mon oeil en premier : cet enfant qui nous regarde, au milieu d’une coquille de noix avec, au loin, ce qu’on devine être l’Europe. Sensibilisée par mon travail associatif sur la question des migrants, accrochée par un dessin noir et blanc sensible et énergique, je me suis engouffrée dans Amazigh et j’ai découvert l’histoire de Mohamed. Son récit m’a touché bien au-delà du “simple” témoignage, parce que le rêve de Mohamed n’est pas vraiment d’arriver en Europe et de devenir riche pour rendre ses parents fiers, mais de devenir un artiste. Et, parce que le jeune homme est aussi pétri d’a priori que nous, Européen, il n’existe d’art et de moyen de (sur)vie qu’en Europe.
Le récit de son voyage, entrecoupé de brèves planches sur son travail actuel, passe par toutes les étapes connues : traversée du désert, bateau surchargé, prison, rétention, détermination de l’âge de façon “scientifique”, et ainsi de suite.
Mohamed n’est pas un ange, c’est même, à plusieurs reprise, un petit con. Mais de part son infantilité lui permet de passer des épreuves que personne ne devrait jamais vivre.

Amazigh est un petit joyaux de la bande-dessinée, à lire absolument.

Intérêt militant : Un point de vue souvent omis sur les migrants, des bateaux aux centres de rétention.

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Life In Paradise – Roman Vital

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Depuis que le gouvernement suisse a installé un centre de déportation pour les demandeurs d’asile rejetés dans le village montagnard idyllique de Valzeina, une personne sur quatre au village est un immigrant clandestin. Le film montre la façon dont fonctionne la politique d’asile suisse. Il témoigne de la manière dont nous, privilégiés du monde occidental, nous occupons des demandeurs d’asile et comment nos vies sont affectées par cela. Il donne à comprendre ce que signifie vivre en tant que demandeur d’asile rejeté au « paradis ».

Documentaire projeté lors d’une séance du cinéclub des Droits Humains d’Amnesty International à Strasbourg, en présence d’un membre d’Amnesty international Suisse, Life In Paradise démontre par l’absurde.
Tous les Suisses ne ressemblent pas à ceux que nous voyons dans le film (un village très divisé entre ceux qui ont peur et ceux qui tentent de rendre la situation plus vivable), tous les centres de rétention n’ont pas vue sur la montagne. Mais en choisissant un lieu volontairement “trop”, Roman Vidal touche du doigt l’absurdité d’un système où l’on essaie de faire rentrer les gens chez eux “gentiment mais avec fermeté”. Sans choix, sans chercher à comprendre ce pourquoi ils sont venus, en se limitant strictement aux règles.
La figure du gardien du centre, véritable kapo aux airs (très) faussement humaniste fait froid dans le dos.
Le personnage (réel) de ce jeune syrien qui demande juste, simplement, de pouvoir jouer au foot pour ne pas devenir fou, vous hante des jours durant.
L’image d’un sac poubelle regroupant toutes les maigres affaires d’un homme qui vient de se faire expulser (sans qu’il ait pu rien prendre avec lui, même pas la Bible qui l’aidait à avancer) vous posera la question : “Pourquoi je profiterai de mon or si mon voisin n’a pas de pain ?” (parole d’une militante d’Amnesty citée dans le film)

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Fortune Cookies – Silène Edgar

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Titre : Fortune Cookies
Auteur : Silène Edgar.
Année : 2014.
Editeur : Bragelonne/Snark.
Genre : Anticipation (très) proche.

Nombre de pages :130

Public : Adolescent/Adulte.

Quatrième de couverture :

Bretagne, demain :
Une coupure d’électricité plonge la petite vie de Blanche et Hadrien dans le noir, ainsi que toute l’Europe. Un mystérieux appel résonne sur les ondes : le gouvernement cache qu’il se passe quelque chose au Sud… la guerre ? Leur fille est loin, en vacances au-delà des Pyrénées. Hadrien décide de partir immédiatement à sa recherche, mais Blanche a peur.
Paris, après-demain :
État d’urgence, peuple bâillonné. Blanche est devenue Bianca, résistante. Les opposants à la dictature médiatique utilisent les réseaux de consommation pour faire passer leurs messages, sur les barquettes de poulet, les barils de lessive ou dans les fortune cookies, mais, bientôt, il faudra aller plus loin. Bianca trouve de la force entre les bras de Joshua, et jamais elle ne parle ni d’Hadrien, ni d’Élisabeth.
Quelque chose a basculé sur la route.

 

Avis :

Là où tout commence et là où tout finit. Mais qu’est-ce qui commence ? La révolte ? La prise de conscience ? L’horreur ? Et qu’est-ce qui finit ? La vie ? Mais quelle vie après tout ? Celle du ronron quotidien et des oeillères sur les yeux ?

Cette novella n’est pas un roman comme les autres, car il ne met pas vraiment en scène l’action de révolte. Non. Il témoigne de ces instants où l’on sait, l’on sait qu’on ne peut plus rester immobile, qu’il faut agir, qu’il faut, pour survivre, redevenir cet adolescent un peu anarchiste qu’on a tous été, et qu’on a tous oublié parce que les études, parce que le travail, parce que le couple et les enfants. Parce que la société est plus agréable quand on se laisse aller avec le mouvement.

Cette novella est pessimiste, parce que la révolte n’est pas un chemin pavé de fleurs et qu’elle ne se nourrit pas de douceur.

Mais cette novella est également incroyablement optimiste.

En tant qu’auteure, en tant qu’artiste, je pense que vous ressentirez la même chose que moi en refermant ce livre qui s’arrête juste là où tout commence et là où tout finit : créer, créer pour la révolte. Tout simplement.

Intérêt militant : L’engagement.

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Manifester : un droit moins important que celui du ballon

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Au cas où vous étiez enfermé dans une tour d’ivoire depuis deux semaines, vous savez deux choses : que la Coupe du Monde de Football a lieu en ce moment-même au Brésil, et que l’organisation de cette Coupe (et des futurs Jeux Olympiques de Rio) a entraîné et/ou mis en lumière de nombreux troubles sociaux.

Pour faire le point sur cette situation, Amnesty International vous fait une petite synthèse de ce qu’il faut savoir sur la situation au Brésil, ici.

Et l’organisation met également à votre disposition en téléchargement gratuit, le rapport intitulé : “Brésil. “Ils utilisent une stratégie de la peur” Le Brésil doit protéger le droit de manifester.”

Extraits :

Au cours de l’année passée, des centaines de manifestants ont été frappés et blessés, principalement par des membres de la police militaire, lors de manifestations dans les villes de Rio de Janeiro et de São Paulo. De nombreuses informations détaillées recueillies auprès de participants aux manifestations et de témoins indiquent que la police a recouru à la force de manière excessive contre les manifestants, notamment en utilisant des armes «à létalité réduite », en particulier des gaz lacrymogènes, des aérosols de gaz poivre, des grenades incapacitantes et des balles en plastique ou en caoutchouc.

Le simple fait de porter un drapeau ou une banderole ou d’avoir sur soi de l’encre ou du vinaigre (utilisé pour atténuer les effets du gaz lacrymogène) a été considéré comme une raison suffisante pour arrêter des manifestants et les interroger. Si la plupart ont été libérés rapidement, la police a conservé leurs coordonnées et informations personnelles, ce qui fait craindre aux manifestants et à leurs avocats que des enquêtes ne soient ouvertes ultérieurement.

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14 – 14 – Silène Edgar et Paul Beorn

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Titre : 14 – 14
Auteur : Silène Edgar et Paul Beorn.
Année : 2014.
Editeur : Castelmore.
Genre : Fantastico-historique, entre autre.

Nombre de pages : 351

Public : Enfant/Adolescent.

Quatrième de couverture :

Adrien et Hadrien ont treize ans et habitent tous les deux en Picardie. Ils ont les mêmes préoccupations : l’école, la famille, les filles… Une seule chose les sépare : Adrien vit en 2014 et Hadrien en 1914. Grâce à une boîte aux lettres mystérieuse, les deux adolescents vont s’échanger du courrier et devenir amis.

Mais la Grande Guerre est sur le point d’éclater pour Hadrien et leur correspondance pourrait bien s’interrompre de façon dramatique.

Avis :

Je serai sans doute passée à côté de ce livre s’il n’avait été écrit à quatre mains et deux claviers par Paul Beorn et Silène Edgar, deux très chers amis dont j’attends les nouveaux textes toujours avec impatience. Et quelle belle découverte j’ai faite !

Je sais que les deux auteurs savent décrire les tourments de l’enfance et de l’adolescence et je n’ai pas été déçue. Les amourettes, les problèmes scolaires et familiaux d’Adrien et Hadrien sonnent vrais, surtout dans le cas d’Adrien qui ressemble tant à tous les autres garçons de son âge. Même si je suis un peu moins enthousiaste sur la conclusion des affres sentimentaux du garçon.
En ce qui concerne Hadrien, celui de 1914, c’est plus la magnifique et complexe relation avec son père, fermier illettré mais fier, si fier, qui m’a touchée, m’arrachant quelques larmes.

Le texte comprend aussi des éclats surréalistes qui vous arracheront des frissons : la découverte de la « rue Jean-jaurès », l’exposé d’Adrien, l’anniversaire de sa petite sœur aussi. Je ne saurais tous les décrire et vous les laisse les découvrir.

Intérêt militant : Si le livre est très pédagogique (dans le bon sens du terme) sur la Grande Guerre, sa force réside dans la comparaison, jamais lourde (quoique lourde de sens) entre hier et aujourd’hui. Les auteurs amènent le jeune lecteur à s’interroger sur les victoires sociales et politiques dot il jouit (comme la Sécu), sur les carences également de notre époque (je ne vous citerai pas ce passage, mais il m’a retournée), sur l’amour parental et fraternel, qui reste toujours le même, quelle que soit l’époque.

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Rencontre avec… Charlotte Bousquet.

Comment tu t’habilles avait fondu sur ses Précieuses… pas ridicules ! C’est avec joie que nous rencontrons aujourd’hui Charlotte Bousquet.

 

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Q – Bonjour Charlotte. Tout d’abord, comme il est de tradition sur ce blog, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Charlotte Bousquet. je suis l’auteure d’une vingtaine d’ouvrages pour les adultes et les adolescents, principalement, et d’au moins autant de nouvelles. J’aime explorer tous les genres : fantasy, histoire, thriller, polar, documentaire, bande-dessinée…

Q – As-tu une œuvre de fiction en tête qui a ouvert ton esprit aux Droits de l’Homme ? Ou y en a-t-il une qui t’a particulièrement marquée ?

Le journal d’Anne Frank,  lu quand j’avais douze ou treize ans.  Mais ce n’est pas une fiction.

Le film Fleur du désert, biopic de Waris Dirié. Ce n’est pas non plus une fiction.

Q – Nous avons pu parler sur le blog « Comment tu t’habilles », de ton ouvrage « Précieuses… pas ridicules ! ». Comment s’est construit ce projet ?

Quand Paola Grieco, directrice éditoriale de Gulf Stream, a créé la géniale collection de documentaire “Et toc!”, elle m’a invitée à participer en me proposant des sujets aussi divers que : les femmes, la fantasy et la philosophie. j’ai choisi le premier thème. Paola m’a envoyé les premiers ouvrages sortis, afin que je me fasse une idée de la forme que l’abécédaire pouvait prendre. J’ai commencé une liste de mots, de noms, puis j’ai plongé le nez, les mains, les bras, la tête dans les recherches et, deux ans après la sortie de l’ouvrage, je n’en suis toujours pas sortie. Parce que les noms mènent à d’autres noms, les pistes explorées ouvrent d’autres pistes, etc.

Q – J’ai pu constater une présentation très positive du féminisme dans ce petit dictionnaire intelligent. Tu y présentes des exemples de grandes figures de femmes, des interrogations philosophiques, et je n’ai constaté aucune remarques sur le corps et le physique mis à part l’article sur les blondes (ce qui je dois bien l’avouer a été une très agréable surprise) Était-ce un point de vue voulu ?

Le féminisme est essentiel, surtout en ces temps de régression, de culture du viol, de remise en cause des acquis des femmes – l’IVG en Espagne, par exemple. Sans les féministes, sans les deux Simone, sans Clara Zetkin, sans Olympe de Gouges, sans Gisèle Halimi et toutes ces femmes qui ont fait avancer les choses, nous en serions encore à réclamer le droit de vote…

Quant à parler ou non du corps, je ne suis pas tout à fait d’accord. Certes, je n’évoque pas directement la dictature de la mode imposée par la société ni les problèmes qu’elle engendre, mais j’ai écrit des articles sur la contraception, l’avortement, l’excision et l’orgasme. Si ce n’est pas lié au corps… 🙂 [merci, c’est exactement la réponse que je voulais, ndr]

Q – Tu rencontres de temps en temps des scolaires et des jeunes lecteurs et lectrices : as-tu déjà entendu des remarques, de leur part, sur ces questions de genres et d’égalité qui sous-tendent une bonne partie de ton travail ?

Je sais qu’il y a eu des débats à propos de Rouge tagada au sein de certaines classes et clubs de lecture.Des élèves m’ont effectivement posé des questions à propos dePrécieuses, se sont interrogés sur ces principes de sexualisation  des jouets aux stylos (ah, le stabilo boss rose pour filles…) en passant par les métiers “féminins” (à ce sujet, je recommande vivement le  Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses, de Catherine Dufour), mais, sans croire aux Bisounours, je pense qu’ils sont bien plus ouverts qu’on ne le dit…

Q – Quels sont tes futurs projets aujourd’hui ?

Une bande-dessinée avec Stéphanie Rubini, un roman historique pour ados se déroulant pendant la guerre de 14, d’autres romans (romance, dystopie)… un oeil qui se tourne tout doucement vers le théâtre, aussi.

 

Merci beaucoup à Charlotte pour ses réponses (et n’hésitez pas à aller découvrir ses romans et nouvelles)

Vous pouvez la retrouver sur son blog.

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“Dignité” : du côté de la bande dessinée

Construire une vitrine, choisir ses ouvrages

 

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A l’occasion de l’arrivée de l’exposition « Dignité » d’Amnesty International France à Strasbourg, j’avais proposé aux bénévoles d’Amnesty International Alsace un partenariat avec les librairies de la ville. Il s’agissait de permettre aux différentes enseignes de présenter des ouvrages en rapport avec le thème de l’exposition dans un de leurs vitrines.

C’est avec cette proposition que je suis allée voir Florence, libraire de la librairie de Bds d’occasion Farfafouilles. Et à elle de me proposer toute liberté sur sa vitrine.

Voilà donc quelque chose que je n’avais pas forcément prévue mais avec son aide et une explication claire de ce que je voulais voir en vitrine, nous avons formé une liste d’ouvrages qui nous semblaient intéressants. Par la suite, je suis allée voir le libraire de Cyclops, librairie amie spécialisée en comics, pour compléter notre listing (j’en parlerai dans un second article, la partie « comics » de la vitrine n’ayant pas encore été constituée à ce jour)

Puis ce listing, il a fallu le croiser avec la réserve présente en librairie, et quatre ou cinq ouvrages pris dans nos propres bibliothèques.

DIGNITÉ, DROITS HUMAINS ET PAUVRETÉ : un projet photographique d’Amnesty International, axé sur le rôle central des droits humains dans la lutte contre la pauvreté dans le monde.
L’exposition sera présente dans la grande salle de l’Aubette à STRASBOURG, du 7 au 26 avril 2014. Entrée libre.

En parallèle de l’expo et sur tout le mois d’avril : table-rondes, conférences, débats, soirées témoignages, projections de films, théâtre-forum, concerts et plein d’autres événements à ne pas manquer !


Fondé sur la campagne mondiale d’Amnesty International « Exigeons la dignité », qui a pour objectif de mettre un terme aux violations des droits humains dans le monde, ce projet est axé sur le rôle central des droits humains dans la lutte contre la pauvreté.

Cinq reportages photos réalisés par Philippe Brault, Guillaume Herbaut, Jean-François Joly, Johann Rousselot et Michaël Zumstein, du collectif l’OEil Public, illustrent les violations de droits fondamentaux essentiels au respect des droits humains.

Je voulais à la base deux choses dans cette fameuse future vitrine : des livres de témoignages et Les mèches courtes, sublime chef d’oeuvre de Tillon et Remise, premier volume de la trilogie des Ventres Vides. Mais ce n’était pas avec ces deux souhaits qu’on pouvait vraiment avancer. Du coup nous avons laisser faire le hasard et la présence des ouvrages entre nos mains pour construire quelque chose qui ressemble aujourd’hui à ça :

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Voici donc la liste non exhaustive des ouvrages retenus pour cette vitrine :

  • Les Pieds noirs à la mer, de Fred Neidhart. Marabulles.

  • Couleur de peau : miel, de Jung. Soleil.

  • Gen d’Hiroshima, de Keiji Nakazawa. Vertige Graphique.

  • La voiture d’Intisar, de Pedro Riera. Delcourt.

  • Chroniques de Jérusalem, de Guy Delisle, Delcourt.

  • Persépolis, de Marjana Satrapi. Delcourt.

  • Aquablue, de Thierry Cailleteau. Delcourt.

  • Sillage, de Jean David Morvan. Delcourt.

  • Groënland Manhattan, de Chloé Cruchaudet. Delcourt.

  • Rapt à Lima, de Joan Marin. Sarbacane.

  • L’intruse, de Roannie et Oko. Vertige Graphique.

  • Shenzen, de Guy Delisle. Delcourt.

  • Pawa, de Jean-Philippe Stassen. Delcourt.

  • Kaboul Disco, de Nicolas Wild. La Boîte à Bulles.

  • Les mèches courtes, de Tillon et Remise. Vertige Graphique.

  • Droit d’asile, de Gendrin Etienne. Ronds dans l’O.

  • Droit du sol, de Charles Masson. Casterman.

  • BlackSad – Arctic-Nation, de Juan Diaz Canales et Juanjo Guardino. Dargaud.

Certains choix se sont portés, comme je l’ai indiqué, sur des récits de témoignages : les autobiographiques, comme Persépolis, que l’on ne présente plus ; les biographies anecdotiques romancées, avec la Voiture d’Intisar ; les récits à mi chemin entre le journalisme et l’ethnologie, avec Pawa ; ou les chroniques qu’on pourrait considérer comme plus anecdotiques, avec Chroniques de Jérusalem et Kaboul Disco.

Or il se trouve que ces deux derniers ouvrages, sur lesquels on aurait pu passer pour une manifestation sur les droits de l’homme, sont une des meilleures introductions à la découverte de l’Autre, et au passage de l’écran de télévision à la réalité. Parce que Guy Delisle et Nicolas Wild ne sont pas des militants, et qu’ils offrent donc, l’un sur Jérusalem et la Chine (avec Shenzen) et l’autre sur l’Afghanistan, le regard de celui qui a d’abord connu ces pays par la télévision occidentale, avant d’y vivre « pour de vrai ». Et en passant par cet étape du choc culturel le lecteur arrive à saisir « en douceur » la question des droits humains qui se pose dans ces pays. Ceci dit, les témoignages directs peuvent être tout aussi drôles et enlevés et je défie quiconque de ne pas au moins sourire en lisant la Voiture d’Intisar ou Persépolis.

On s’éloigne par contre totalement de ces présentations légères avec Droit du sol, L’intruse, Rapt à Lima ou Droit d’asile qui, à l’opposé des autres livres de témoignages, se passe cette fois-ci chez nous. Si près qu’il s’agit de témoignages de jeunes sans papiers et demandeurs d’asile rencontré au Foyer du jeune homme de Strasbourg. Ou quand la bande-dessinée sert à ouvrir la porte du voisin d’à côté.

Du témoignage à l’histoire, je me rends compte que la majorité des ouvrages présentés ne font pas œuvre de fiction, même si on aimerait vraiment penser que ces histoires ne sont pas vraies. Ainsi en est-il des deux coups de poing personnels de cette vitrine : Groënland Manhattan et les Mèches courtes, dont j’ai déjà parlé sur ce même blog.

Il ne faudrait pas oublier non plus le témoignage des ravages de la guerre, de l’intolérance face au pacifisme, du désastre nucléaire qu’est la série Gen d’Hiroshima, ou passer sur la quête d’identité de ces trop nombreux enfants coréens arrachés à leur famille avec le très beau Couleur de peau : miel, de Jung.

Mais quand on veut aller vers la fiction, il vaut mieux se diriger vers la bande-dessinée dite « traditionnelle ». Comme je le disais précédemment je ferai un point spécifique sur le comics, mais nous pouvons déjà parler de Sillage, où le droit à la terre est bafoué à partir du moment où l’on se trouve « inférieur » à la race ou la civilisation qui vous envahi. Fallait-il donc se servir de la science-fiction pour asséner un message aussi limpide ? En tant que fan de science-fiction, je ne peux qu’adhérer ! Et ce même si j’ai un faible plus marqué pour Blacksad, et surtout ce volume spécifique : Arctic-Nation, ou comment dénoncer non seulement le racisme, mais également l’intolérance face à la mixité et du métissage (certes joyeusement et hypocritement célébré en France mais vue d’un très sale œil dans de nombreux pays comme les Etats-Unis)

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Exposition Dignité Strasbourg – Avril 2014

Si ce blog a ralenti quelque peu depuis plusieurs mois, c’est parce que son auteur participe à l’organisation d’un événement Amnesty International en Alsace. Il s’agit de l’exposition de photographies intitulées “Dignités”, déjà présentée à Paris et à Toulouse depuis plusieurs années.

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Cette exposition aura lieu tout le mois d’avril à la salle de l’Aubette, place Kleber à Strasbourg. Avant de pouvoir en exposer le programme événementiel, je tenais à vous en décrire le sujet : cinq photographes de terrain, cinq continents, cinq pays, cinq atteintes aux Droits de l’Homme de par le monde. C’est à la fois simple et universel, d’actualité malgré la relative ancienneté du projet.
Je vous laisse découvrir les interviews des cinq photographes dont les oeuvres seront bientôt présentes à Strasbourg.

” Protéger les droits de ceux qui vivent dans la pauvreté n’est pas une simple option – c’est un élément essentiel de toute véritable solution. “

 

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